Le matériel de fabrication du whisky

Les cuves de trempage

Temps : environ 3 jours.

Une fois récoltée, l’orge entre dans une phase naturelle de dormance. Composée d’une enveloppe qui renferme un embryon (future plante) et d’une poche d’amidon (réserve d’énergie), l’orge est soumise à plusieurs phases d’humidification et d’oxygénation afin d’activer l’embryon en sommeil. Cette opération, qui en fonction des conditions atmosphériques varie de 48 à 72 heures, et s’achève dès que le taux d’humidité du grain passe de 12-15% à plus de 42-45% d’humidité. La germination peut alors débuter.

Salle de germination ou aire de maltage

Temps : environ 6 à 8 jours.

L’orge humide est répandue sur des aires de maltage en couches épaisses d’environ 30 à 50 cm. Le développement de l’embryon va provoquer la désintégration des parois solides qui protègent l’amidon. Les grains libèrent une enzyme appelée « amylase » permettant la transformation de leur amidon en sucre. Cette transformation est aussi appelée la saccharification. L’amidon se transforme en une sorte de farine souple blanchâtre dont les sucres seront extraits au moment du brassage. La chaleur engendrée par la croissance de l’embryon nécessite de retourner régulièrement la masse d’orge. Traditionnellement, cela est réalisé par le biais de pelles en bois ou de râteaux. Cette opération, physiquement éprouvante, se répète en moyenne trois fois par jour afin d’éviter que les germes ne s’enchevêtrent. Lorsque ces germes ont atteint une longueur de deux ou trois millimètres, la germination est interrompue afin d’éviter que l’embryon ne se nourrisse des sucres du grain. Une fois l’orge germée, des pousses vertes de quelques millimètres de longueur font leur apparition et donnent naissance au « malt vert ». Il est ensuite transféré dans un kiln pour le séchage.

Kiln

Temps : environ 24 à 48 heures.

Le kiln est un immense four, équipé d’un plancher perforé, dans lequel le malt vert est mis à sécher à l’issue de la germination. Le malt est étalé sur ce plancher et un feu est alimenté dans la cheminée en dessous. La fumée est ensuite évacuée par la cheminée en forme de pagode si caractéristique des distilleries. Le malt vert est chauffé progressivement de 50°C à près de 90°C, cette température maximum est maintenue pendant trois à quatre heures, on appelle cela le « coup de feu ». C’est à ce moment-là  qu’apparaissent les tout premiers arômes du malt, tandis que les grains asséchés ne contiennent plus que 4% d’eau. De nos jours, seules quelques distilleries comme Kilchoman et Laphroaig disposent encore d’un kiln en état de fonctionnement. Mais ils ne produisent eux même qu’une toute petite partie du malt. L’immense majorité du malt est produit de façon industrielle dans des malteries. Pourtant la tourbe reste utilisée dans les processus industriels pour donner un goût tourbé au malt. Pour cela, on enfume les fours avec la fumée de la tourbe en début de séchage. Le malt humide est alors particulièrement réceptif aux phénols issus de la tourbe. La plus grande partie des arômes est concentrée dans l’écorce du grain. On joue sur le niveau et la durée de l’enfumage des fours pour adapter la teneur en tourbe en fonction de la commande de la distillerie. La tourbe dans le malt et dans le whisky se mesure en ppm (partie par million), une unité utilisée pour mesurer des quantités infinitésimales.

Broyeur

Temps : en quelques heures.

Une fois le malt séché, les racines formées lors du maltage seront éliminées, le malt sera alors analysé, tamisé et chargé dans un moulin. Un premier rouleau intérieur va éclater les grains et un deuxième va les broyer. A l’issue de cette opération, le malt broyé ressemblera à une farine grossière (composée de 3 textures différentes) qui s’appellera « grist ». Le broyage du malt se passe dans la distillerie elle-même ; un moulin à grain géant est donc utilisé.

Mash Tuns

Temps : environ 10 heures.

Capacité : environ 1 à 15 tonnes.

Appelé aussi « cuve de brassage ». Le grist après tamisage (composé de 70 % de farine moulue, 20 % farine grossière et 10 % de fleurs de grain concassées) sera mélangé à de l’eau chaude dans cette cuve. On utilise généralement 1 volume de grist pour 4 volumes d’eau. On utilise pour cette opération, 3 eaux successives : la première eau pour le premier brassage sera à 63-64°C, la deuxième eau pour le deuxième brassage sera à environ 75°C, et la troisième eau pour le troisième et dernier brassage sera à environ 82°C. Les deux premières eaux servent à extraire les sucres alors que la troisième eau sera moins efficace et servira plus au rinçage du Mash Tun. Ce dernier peut contenir jusqu’à 25000 litres et comporte un double fond finement perforé qui doit permettre au moût (liquide sucré résultant de l’opération de brassage) de s’écouler, tout en retenant les gros morceaux qui seront recyclés afin de produire de l’alimentation pour le bétail. Pour faciliter le processus, les cuves de brassage sont équipées de pales tournantes. Le brassage dure environ 1 heure et va permettre au malt de convertir l’amidon en sucres fermentescibles. Le mélange de l’eau et du grist donne une pâte similaire au porridge, plat traditionnel écossais. Le moût sucré ainsi obtenu, s’appellera le « wort ». La qualité et la quantité de wort sont contrôlées par l’administration des accises, parce qu’elle permet de déterminer la quantité d’alcool qui sera finalement produit. C’est sur cette base que sera taxée la distillerie.

Les levures

Dosage : il faut environ 9 sacs de 20 kg de levures « Maury » pour 1 washback. Ce qui fait 180 kg de levures pour obtenir 65 000 litres de wort.

La plupart du temps les producteurs de whisky utilisent un ou deux types de levures. La première est une levure de type industrielle vendue par des fabricants spécialisés, la deuxième est ce qu’on appelle la levure du brasseur ; elle est cultivée et sélectionnée par les brasseurs. Les qualités spécifiques des eaux écossaises ou japonaises ainsi que les levures propres à chaque distillerie participent pleinement à l’acquisition de la signature typique des whiskies écossais ou japonais.

Washbacks

Temps : environ 2 à 3 jours voire un peu plus.

Capacité : environ 1000 à 70 000 litres.

Les washbacks sont des cuves dédiées au déroulement de la fermentation alcoolique du wort. On trouve de plus en plus de washbacks en acier inoxydable, parce que ceux-ci sont nettement plus faciles à entretenir.

Les washbacks « traditionnels » américains, écossais ou japonais sont généralement en bois de pin d’Orégon, en mélèze d’Écosse ou en Mizunara du Japon.

Le processus de fermentation alcoolique s’enclenche immédiatement après l’ajout des levures, la température du wort se met alors à augmenter jusqu’à 30°C, en cause la réaction chimique de transformation du sucre en alcool qui dégage de la chaleur mais aussi du gaz carbonique. Pendant le processus de fermentation, la température s’élève jusqu’à 35°C et le wash bouillonne violemment. A mesure que l’alcool formé inhibe les levures, le bouillonnement s’apaise et la population bactérienne augmente de de manière spectaculaire. La fermentation bactérienne a pour effet d’augmenter l’acidité et de permettre le développement des précurseurs d’arômes. Plus la fermentation bactérienne est longue, plus votre futur whisky sera complexe et aromatique. Au bout de 48 à 72 heures de fermentation, une mousse compacte s’est formée à la surface des washbacks et les sucres ont quasiment tous été décomposés en alcool. Le wort ainsi fermenté s’appelle le « wash  » que l’on peut considérer comme une sorte de bière titrant de 6 à 10 % du volume et qui dégage déjà d’intenses arômes de céréales.

A) LA METHODE DU POT STILL (double distillation)

1) LE WASH STILL

Temps : de 4 à 8 heures.

Capacité : de 25 000 à 30 000 litres environ.

Le wash still est le nom du premier alambic où va avoir lieu la distillation du wash. Cette première distillation consiste à produire des vapeurs qui sont condensées par refroidissement afin d’obtenir un premier distillat titrant entre 20 et 25 % du volume, appelé « low wines ». Pour cela le wash (moût fermenté) est porté à ébullition dans l’alambic sous le contrôle permanent du distillateur « le stillman » en charge de veiller sur la quantité d’écume qui ne doit surtout pas monter jusqu’au col de cygne, ce qui risquerait de faire passer des impuretés dans les futurs low wines compromettant ainsi la qualité du whisky. Le premier distillat appelé « low wines » s’écoulent à travers le « spirit safe », véritable coffre-fort à alcool, permettant au distillateur de mesurer avec précision sa densité. La première distillation s’achève lorsque le liquide demeuré au fond du wash still ne titre pas plus de 1% vol. Ce résidu appelé « pot ale », qui peut représenter plus des deux tiers du wash initial, sert à l’alimentation du bétail.

Au cours de cette première distillation, les premières notes aromatiques de céréales et de fruits issues des principaux composants du futur Single Malt, font leur apparition.

Pour produire les low wines il faut entre 5 et 7 heures de chauffe à la fin de laquelle seulement un tiers du moût fermenté aura été transformé en alcool, le reste étant composé de résidus solides.

2) LE SPIRIT STILL

Temps : environ 15 heures.

Capacité : environ 15 000 à 20 000 litres.

Le spirit still est le nom du deuxième alambic où va avoir lieu la distillation des low wines. On va à nouveau chauffer progressivement jusqu’à ébullition. Les vapeurs sont alors recueillies puis condensées par refroidissement, et le distillat obtenu titrant à plus de 70 % du volume est appelé « eau-de-vie » ou « new make spirit ».

Tout comme pour la première distillation, la phase de chauffe dure entre 5 et 7 heures au cours desquelles la concentration en alcool va augmenter petit à petit passant ainsi de 20 à plus de 70 % du volume.

Contrairement à la première, la seconde distillation est découpée en trois parties ; « les têtes sortent en premier, suivi par le coeur de chauffe et les queues ».

C’est le maître distillateur qui est en charge de déterminer à quel moment il faut couper le distillat, pour cela il contrôle en permanence l’évolution de la teneur en alcool à l’aide du « spirit safe », coffre à l’intérieur duquel s’écoule le précieux liquide en cours de distillation.

Les têtes correspondent au début de la chauffe, lorsque les premières gouttes d’alcool extraites sont à plus de 90 % du volume. Ca sent souvent le solvant ou la colle Scotch !

Le coeur de chauffe  est la partie du distillat recueillie pour la fabrication du futur whisky de malt. Après la collecte des têtes, la température augmente de façon significative, jusque environ 78°C. L‘éthanol se met à couler à ce moment là, il est un composant essentiel du coeur de chauffe. Lors de cette phase, d’une durée moyenne de 2 à 5 heures, la teneur en alcool est stable aux environs de 72 % du volume. Condensé par refroidissement, le coeur de chauffe est recueilli dans une cuve à part pour la mise en fût et la phase de vieillissement au cours de laquelle il se transformera petit à petit en whisky sous l’influence du bois, de l’air et du temps.

Les queues débute au moment où la teneur en alcool se situe sous les 70 % environ et se met à diminuer du fait de son évaporation lors de la distillation. La température de chauffe est alors augmentée afin d’accélérer la fin du processus.

Pour séparer le coeur de chauffe des têtes et queues de distillation, on utilise le « Spirit safe », qui sert par ailleurs à déterminer la quantité d’alcool produit aux fins déterminer les accises à acquitter par la distillerie.

Les têtes et les queues nommées « feints » sont conservées ensemble dans une cuve, pour être ajoutées aux low wines d’une distillation ultérieure. Cette addition permet d’assurer l’homogénéité du Single Malt d’une cuvée à l’autre.

B) LA METHODE DU PATENT STILL OU COFFEY STILL (distillation continue)

Temps : quelques heures.

Capacité : illimitée car la distillation est continue.

Comme son nom l’indique, la distillation s’effectue en une seule passe, sans interruption. Cette distillation nécessite un type d’alambic spécifique : l’alambic à colonne ou Coffey still qui fonctionne en continue et peut produire un distillat d’une très grande pureté, proche des 100% du volume. Cette distillation est particulièrement employée pour la production de whiskies de grain.

Ce type d’alambic est nommé « Patent Still » ou « Coffey Still », et contrairement au traditionnel « Pot Still », il n’est pas destiné à la distillation d’orge maltée. Aeneas Coffey était un irlandais né à Dublin en 1780. Son invention consistant en un échangeur de chaleur a été brevetée en Irlande en 1830. L’alambic de type « Patent ou Coffey » est constitué de deux grandes colonnes nommées respectivement « analyseur et rectificateur ». Le fonctionnement de ce type d’alambic est assez complexe. A la différence du whisky de malt, le whisky de grain est distillé par une opération continue.

C’est un alambic à colonnes qui possède une série de plateaux de raffinage dans la colonne à reflux pour augmenter la pureté de l’eau de vie. Ce sont des espèces de plateaux sur lesquels le liquide coule et le gaz bouillonne à travers d’orifices. Puisque certains éléments moins volatils vont également s’évaporer, ces séries de plateaux qui ont des températures de plus en plus basses au fur et à mesure que nous nous approximons du haut de la colonne, vont les condenser. Le nombre de plateaux est décisif pour déterminer la pureté des produits. Plus la colonne aura de plateaux, plus grande sera la pureté du produit distillé.

Les futs

Temps : minimum 3 ans.

Capacité : très variée.

La maturation est l’étape durant laquelle le whisky se transforme petit à petit en s’enrichissant des arômes du bois mais aussi des nouveaux arômes issus de la lente oxydation de l’alcool au contact de l’air à l’intérieur du fût.

Plusieurs facteurs extérieurs influencent également la transformation lors du vieillissement, notamment  la température, l’humidité, la circulation de l’air et la faune microbienne du lieu de stockage pour la maturation.

Le coeur de chauffe une fois recueilli doit séjourné en fût de chêne pendant au moins trois ans pour devenir un whisky. C’est au cours de cette période de repos que les arômes vont se diversifier, la couleur va évoluer  et le whisky va s’équilibrer. L’oxygène, le bois et le temps sont les paramètres principaux influençant au cours du vieillissement, en effet on estime que plus de 60% des arômes sont créés pendant cette phase.

Le chêne a été sélectionné pour ses propriétés inhérentes, c’est un bois dur, résistant, étanche, flexible et disponible en relative abondance, qui comme toutes substances naturelles est soumis à des variations de qualité, de densité et de porosité.

Selon la variété de chêne utilisée et la contenance du fût, le contenu vieillit différemment. Comme type de chêne, on utilise régulièrement le Quercus Alba (chêne blanc américain), parfois le Quercus Robur (chêne pédonculé) et bcp plus rarement le Quercus Mongolica (chêne de Mongolie).

De formes et de capacités différentes, les quatre types de fûts les plus utilisés pour le vieillissement du whisky sont :

  • Le barrel : capacité de 190 litres, il est de loin le plus utilisé à travers le monde.
  • Le hogshead : capacité de 250 litres, ce sont des fûts retravaillés entre deux remplissages.
  • Le butt : capacité de 500 litres, le plus connu est le « sherry butt » ayant précédemment servi pour la maturation de vins rouges espagnols et portugais.
  • Le puncheon : capacité de 500 litres, sa forme est plus allongée que celle du butt créant ainsi une plus grande surface de contact entre le bois et le whisky.