L’histoire de la fabrication du whisky

Whisky ou whiskey est le nom générique d’un ensemble d’eaux-de-vie fabriquées par distillation de céréales maltées ou non maltées. L’origine du whisky est aujourd’hui encore sujette à controverses entre Irlandais et Écossais, chacun y allant de sa preuve la plus ancienne. Par la suite, le whisky a été exporté vers le Nouveau Monde (notamment aux États-Unis, et au Canada). Depuis le début duxxe siècle, des distilleries se sont développées au Japon, puis dans le reste du monde plus récemment.

Étymologie

Le mot anglais whisky ou whiskey vient du celtique uisge en gaélique écossais ou de uisce en gaélique irlandais. Le terme signifie simplement « eau » dans les deux langues ; c’est « uisge beatha » en gaélique écossais et « uisce beatha » en irlandais qui signifient « eau de vie » — et donc « whisky » en anglais.

Le mot whisky est généralement employé pour désigner les productions écossaises, canadiennes et nippones ou bretonnes, alors que l’on utilise le mot whiskey pour les productions irlandaises et américaines.

À partir du xiie siècle, la distillation de l’eau-de-vie se répand progressivement en Europe, notamment en Écosse et en Irlande, où l’alambic ferait son apparition avec les missionnaires chrétiens (la légende veut que saint Patrick lui-même, saint patron des Irlandais, l’ait introduit au ve siècle en 432). La pratique et le savoir-faire se développent dans les monastères. Cependant, il faut attendre le xie sièclepour que les progrès dans les techniques de condensation permettent de produire des boissons. Le whisky, alors appelé uisge beatha, à cette époque, une fonction essentiellement thérapeutique et est utilisé autant en onguent qu’en médicament.

Au xiie siècle, les soldats anglais qui envahissent l’Irlande découvrent la boisson alcoolisée qui semble alors jouir d’une popularité notable auprès de la population locale. En 1608, la distillerie Bushmills obtient la première licence officielle de distillation.

La première trace de whisky en Écosse remonte à 1494. Il s’agit d’une note se référant à la production d’eau-de-vie dans un document officiel l’Exchequer’s roll qui précise « 8 bolls of malt to Friar John Cor, by order of the King to make aqua vitae » témoignage d’une pratique déjà bien installée. On considère généralement que les moines de Dal Riadafirent profiter les Écossais de leurs connaissances dans le domaine de la distillation lorsqu’ils vinrent évangéliser les Pictes de Calédonie.

Au xvie siècle, la mise au point de systèmes de refroidissement à eau3 permet une nette amélioration qualitative qui accélère le développement économique du whisky écossais. La dissolution des monastères anglais puis écossais amène les moines à se fondre dans la population séculière et à communiquer leur savoir-faire. Si la revente d’eau-de-vie en Écosse n’est licite que pour les barbiers et chirurgiens depuis 1505, elle est parallèlement devenue une activité courante à la ferme, où tout surplus de grain est distillé. Jusqu’auxvie siècle, le whiskhy est incolore car non vieilli, aussi est-il vendu comme une eau-de-vie : les Britanniques, en important des vins en barriques, notamment le xérès, vin le plus réputé en Europe au xvie, utilisent ces barriques pour transporter leur whisky en retour. S’apercevant que ce mode de transport réduit l’oxydation, développe le bouquet des whiskies et leur donne une couleur différente selon le type de barrique, ils favorisent dès lors le vieillissement en futs de chêne de capacité variable.

La distillation devient légale en Écosse avec l’Excise Act de 1823, de par les efforts du cinquième duc de Gordon. Dès lors, la production clandestine diminue inexorablement. Dans le même temps, la production industrielle se développe.

Aux États-Unis, le président Thomas Jefferson abolit les taxes sur le whisky en 1802. De nombreux entrepreneurs se lancent alors dans la production. Le pasteur baptiste Elijah Craig est le premier à utiliser des fûts de chêne pour transporter son whisky. Le système de filtration au travers d’une couche de charbon est inventé en 1825 par Alfred Eaton. Ce système est toujours utilisé de nos jours (par Jack Daniel’s par exemple). Le whisky américain, qui incorpore une proportion de maïs supérieure à 51%, prend le nom debourbon.

Les améliorations techniques favorisent la production industrielle : en 1826, on invente en Irlande le système de distillation en continu de l’alcool de grain, c’est l’alambic à colonne (patent ou column still). Paradoxalement, il n’est utilisé qu’en Écosse où il remplace l’alambic charentais (pot still) encore d’actualité au xixe siècle en Irlande.

En 1853, le premier blend est créé par Andrew Usher de la distillerie Glenlivet. Il associe différents whiskies de malt et whiskies de grain. L’arrivée du blend va révolutionner l’industrie du whisky. Sa fabrication plus économique, son goût moins typé et reproductible va entraîner la quasi disparition des single malts pendant près d’un siècle et va favoriser le déclin des productions irlandaises et américaines. Les distilleries irlandaises refusent de pratiquer le blending. Cela va entraîner la fermeture de plus des deux tiers de celles-ci (on passe de 160 à 30 distilleries de 1850 à 1900). À la suite d’un litige impliquant la Distiller’s Company Limited (DCL), la cour d’Islington (Londres) estime en 1906 que seul le whisky de malt peut être qualifié de whisky. La DCL fit appel. Une commission royale rendit un jugement en 1908 qui autorisa les mélanges (blend) de whiskies de malt et de grain à être commercialisés sous le nom de « Scotch whisky »5.

Au début du xxe siècle, 90 % de la production de whisky en Écosse se fait sous la forme de blend. Rares sont les distilleries qui comme Caol Ila, Bowmore, Macallan ou Glen Grant proposent toujours leur single malt à la vente. C’est l’âge d’or des distilleries écossaises.

En 1890, on compte plus de 160 distilleries officielles en Écosse. Mais à cette euphorie succède une période de récession économique. La surproduction d’alcool entraîne la fermeture définitive ou momentanée d’un grand nombre de distilleries. Une des causes de cet effondrement est la Crise des Pattison.

Aux États-Unis, l’industrie du whisky commence à être menacée avec l’apparition des premières ligues anti-alcool à la fin du xixe siècle. Après une première baisse de la consommation de whisky pendant la guerre de Sécession, la Prohibition, de 1920 à 1933, met durablement à mal l’industrie du whisky aux États-Unis. Les bourbons ne commenceront à relever la tête qu’à partir des années 1980.

En Irlande, le whiskey est lui aussi mis à mal au xxe siècle. L’arrivée des blends écossais, puis la guerre civile et la partition de l’Irlande dans les années 1920 vont chambouler le marché du whiskey. Il perd sa principale zone de vente : le Royaume-Uni. Heureusement, la diaspora irlandaise en Amérique du Nord va permettre d’écouler la production. Après la Seconde Guerre mondiale, il ne restera que quatre distilleries en activité en Irlande (Bushmills, Cork Distillery, Jameson et Power). Plus tard les trois dernières ont regroupé leur centre de production sur un seul site : Midleton. Ce qui fait qu’au début du xxie siècle, l’Irlande ne compte plus que trois distilleries en activité (Bushmills, Midleton et Cooley créée en 1987).

Les années 1980 vont marquer le début d’une nouvelle phase dans l’histoire du whisky. Une phase de renouveau s’ouvre avec l’avènement du single malt whisky. Ce whisky, presque oublié depuis la fin du xixe siècle et qui n’était plus commercialisé que par un très petit nombre de distilleries, revient à la mode en suivant l’exemple de Glenfiddich qui le premier avait fait de grandes campagnes de publicité afin de promouvoir son single malt. À la même époque, aux États-Unis, les grands distillateurs de whiskey comme Jim Beam, Maker’s Mark ou Buffalo Trace se mettent à améliorer la qualité de leurs productions afin de pouvoir de nouveau concurrencer les blends écossais qui tenaient le marché américain. Grâce à ces efforts, le bourbon reconquiert de grandes parts de marché dans son pays et augmente aussi sa notoriété et donc ses ventes dans le monde.